La Personnalité et la Négociation par Richard D’Amour
“Le but est de comprendre à qui je m’adresse afin d’établir la stratégie que je vais adopter dans le cadre de la négociation.” – Richard D’Amour
Nick Slobodinuk: Bonjour à tous, pour ce nouvel article sur la négociation, j’ai le plaisir d’avoir avec moi Richard D’Amour, avocat fiscaliste et investisseur immobilier qui a conclu plusieurs transactions au courant de la dernière année. Je sais que tu fais beaucoup de négociation dans le cadre de ton travail, en tant qu’investisseur et consultant. Qu’est-ce que la négociation pour toi?
Richard D’Amour: Pour moi la négociation est d’arriver à ce que mon interlocuteur pense la même chose que moi sans que j’ai eu à le convaincre. Il faut arriver à une solution gagnante/gagnante et c’est en travaillant et discutant que l’on emmène la personne à avoir la même vision que nous, mais sans être en confrontation. Pour moi, la négociation est une collaboration. La meilleure négociation que j’ai faite de ma vie, car la vie est une négociation, était un congédiement que j’avais à faire. Dans ce cadre-là, ce n’est jamais facile congédier quelqu’un.
NS: Peux-tu nous expliquer comment cela s’est passé?
RD: Je vais raconter la fin tout de suite, la personne s’est levée et m’a remercié. Je lui ai fait comprendre qu’elle n’était pas à la bonne place avec les qualités qu’elle avait et la personnalité qu’elle avait. C’est une personne qui n’était pas faite pour la pratique privée d’un cabinet comme le notre. Ce faisant, en échangeant, la personne en est venue à la même conclusion. Dans ce cas-là, nous avons donc été deux gagnants.
NS: Ce que j’entends de toi est qu’une négociation doit être gagnant/gagnant.
RD: Toujours, si l’on fait perdre la face à quelqu’un, cela peut être assez pour qu’il se retire. L’humain à son orgueil et il faut toujours essayer de sortir gagnant-gagnant. Cela se fait beaucoup par la façon dont nous emmenons les choses en cours de négociations. Pour moi, à la base, la négociation n’est pas un dossier, mais des personnes. C’est un élément humain, car nous traitons avec des gens.
NS: C’est d’avoir une belle communication selon les personnalités.
RD: Ce que je dirais est que, dans un premier temps, pour bien négocier, il faut se connaître. Si l’on se connaît, on sait à l’avance quelles seront nos réactions et nous sommes en mesure de les prévenir. On sait aussi quel langage nous touche et il faut comprendre que ce n’est pas tout le monde qui est comme nous. Il y a des multitudes de livres sur les personnalités et ce que cela nous apprend est que cela nous permet de nous connaître nous et de connaître les autres. Aujourd’hui, une personne analytique a besoin d’un cheminement pour tirer sa propre conclusion. On ne peut pas lui demander quelque chose sans avoir une mise en contexte. S’attarder aux personnalités est très important dans le cadre d’une négociation.
NS: Cela m’emmène à une question. En immobilier, est-ce que tu te sers des concepts de la personnalité pour négocier?
RD: Définitivement et lorsque je fais affaire les courtiers PMML, je demande toujours des informations sur le vendeur. Je veux avoir un contexte. Nous venons de terminer une transaction pour un 12 et un 16 logements et j’ai posé la question pour savoir qui était la vendeuse. On m’a expliqué qu’il s’agissait d’une dame de 74 ans qui a eu beaucoup d’immeubles, qu’elle est très fière de ses immeubles et cela m’a permis de comprendre qu’elle était très fière de la réussite d’une femme. Pour cette raison, j’ai décidé de me retirer de l’offre et mettre le nom de ma femme. Entre les deux offres qui sont arrivées au même moment, c’est la nôtre qui a été retenue donc cela démontre l’importance de bien connaître la personnalité de l’autre parti.
NS: Cela ouvre beaucoup les yeux, car beaucoup de gens croient que le but de la négociation est d’arracher le morceau et argumenter et démolir l’autre parti, mais à t’entendre parler c’est plus un cheminement et une connexion avec l’autre personne.
RD: C’est plus que cela, par exemple je sais qu’un certain type de personnalité souhaite toujours avoir le dernier mot. Alors je sais que, dans le cadre de ma négociation, je vais lui laisser le dernier mot, mais que ce dernier mot va me convenir. Il faut comprendre les personnalités et en les comprenant cela permet d’avoir de bien meilleures négociations.
NS: Avant l’entrevue nous avons touché un point très intéressant qui est la crédibilité. De se positionner en tant que personne crédible pour que nos arguments soient biens perçus.
RD: Je dis toujours qu’il ne faut pas défendre l’indéfendable. Nous avons une crédibilité à établir. J’ai eu une négociation récemment où tous les partis étaient autour de la table et nous négocions un contrat de fusion pour deux entreprises. Dans le cadre de la négociation, mon client s’est exprimé et je n’étais pas tout à fait d’accord avec son point de vue donc j’ai pris le temps de lui expliquer que je n’étais pas d’accord et proposer une alternative devant tout le monde. Par la suite, j’ai senti que les gens s’attardaient à ce que je disais, car j’avais été en mesure de dire non à mon client. Être un bon négociateur, pour moi, est de trouver des solutions justes et non de défendre une position à tout prix.
NS: Vraiment intéressant, donc ce que je comprends là-dedans est que l’autre parti a vu que tu penses à eu aussi.
RD: Je pense à la transaction, car ce que je veux est que l’on soit en mesure de faire une transaction satisfaisante pour tous en comprenant que chacun a ses enjeux. Je dis cependant tout le temps qu’il y a toujours une solution.
NS: Je me vois aussi un petit peu là-dedans, car en tant que courtier, nous devons négocier entre le vendeur et l’acheteur et parfois mon rôle est de dire à mon client que ce qu’il demande n’est pas raisonnable. Il faut éduquer le client que tu représentes pour arriver à une situation gagnante pour tous.
RD: Je suis entièrement d’accord et c’est pour cette raison que, dès le départ, il faut établir les balises qui consiste à plus que juste le prix. Il faut circonscrire le carré de sable, car une négociation est aussi des concessions. Si une personne n’est pas prête à faire de concession, il n’est pas en négociation. Une négociation amène obligatoirement des concessions.
NS: Crois-tu que certaines concessions ont des niveaux d’importance différents selon les personnes?
RD: Certainement et j’irais même plus loin. Une concession vient d’une divergence et cela vient d’une différence de point de vue. Cependant, bien souvent, la divergence exprimée, n’est pas la divergence réelle. J’ai déjà vécu un dossier dans lequel la personne voulait vendre à tout prix sans garantie légale. En explorant un peu plus loin, la personne avait peur de l’environnement et non de tout le reste. en travaillant sur la divergence, nous avons circonscrit la problématique et avons pu sécuriser le point. L’être humain s’exprime, mais ne dit pas toujours le fond véritable de sa pensée. C’est donc au négociateur à emmener les partis à s’exprimer. Je le vis aussi dans les partenariats que nous mettons sur pieds. Il faut gérer les attentes et les gens ne disent pas tout.
NS: Donc pour éviter ce genre de problématique il faut bâtir une bonne communication?
RD: Bonne relation et bonne communication, mais il faut aussi ne as avoir peur de poser des questions plus difficiles. Cela permettra de trouver des solutions à ce qui tracasse vraiment les gens.
NS: Ça semble vraiment complexe ce genre de négociation alors j’apprécie le partage. As-tu un livre, un vidéo ou une recommandation au niveau de la négociation?
RD: Il y a pleins de livres sur la négociations, mais j’inviterais les gens à s’attarder sur les personnes. Je donne un cours au CIIQ et je fais passer un test pour que les gens puissent connaître leur type de personnalité et les gens se reconnaissent là-dedans. Je donne toujours l’exemple de la vente d’une voiture qui ne sera pas approché de la même façon selon le type de personnalité. Comprendre les personnalités est, selon moi, la clé. Par la suite il faut être prêt, car il y a aussi le facteur connaissance du dossier. Par contre, il ne faut pas oublier que l’on s’adresse à un humain.
NS: Peux-tu partager une ou deux questions que tu poses?
RD: Chaque fois que je rencontre un propriétaire, je lui demande pourquoi il a acheté l’immeuble. J’aime faire parler les gens sur leur passé en lien avec ce qui m’intéresse. Cela me permet d’avoir une mine d’information. Si je reviens à ma dame où c’est ma jointe qui a fait l’offre d’achat, en la faisant parler j’ai compris que jamais je n’aurais de réduction de prix si j’avais des défauts, mais qu’elle ne voulait pas me laisser un immeuble qui avait des défauts. Donc elle m’a réparé plein de choses dans le cadre de la négociation. Je savais que si je tentais de baisser le prix j’allais l’insulter. J’ai compris, en parlant avec elle, que chaque immeuble avait une signature. Je l’ai respectée et nous avons fait une belle transaction.
NS: Pour moi c’est ce qui fait que tu te démarques de tout le monde, tu prends le temps de comprendre les gens et en faisant parler le propriétaire cela te permet d’adapter ton discours.
RD: Exactement, le but est de comprendre à qui je m’adresse afin d’établir la stratégie que je vais adopter dans le cadre de la négociation.